12/11/11

Bébé sur un voilier

Bébé à bord : mode d’emploi

 

Lorsque nous sommes partis, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être la vie avec un bébé à bord. Je savais que cela se faisait, que les enfants avaient l’air heureux, alors pourquoi pas nous ?

Maude est partie quand elle avait tout juste un an et nous avons rencontré sur des bateaux d’autres bébés de son âge voire plus jeunes. Alors oui, les bébés à bord, on en voit, mais il faut savoir que ce n’est pas de tout repos, c’est beaucoup de vigilance, de surveillance et de contraintes. Les mères que j’ai rencontrées disaient toujours la même chose : « C’est super mais nous faisons du non stop, nous sommes crevées ! Nous n’avons plus de moment à nous ». Alors si vous souhaitez partir en bateau avec votre bébé pour découvrir le monde, visiter, faire des randonnées, vous vous trompez, ce n’est pas le bon moment, mieux vaut attendre ses quatre-cinq ans.

 

Un bébé a besoin d’avoir un rythme régulier, de faire la sieste, et d’être protégé du soleil. Aux Antilles la chaleur est extrême, et les jeunes enfants blancs la supportent mal. Alors, mieux vaut éviter de sortir trop longtemps lorsqu’il fait très chaud. Tant pis pour les longues randonnées, on optera plutôt pour les petites sorties dans la forêt ou après cinq heures…

 

En ce qui concerne la sécurité sur le bateau, il y a les deux écoles, ceux qui attachent leur bébé et ce qui ne le font pas, mais j’ajouterai que cela dépend  aussi beaucoup du bateau que l’on a. Naviguer sur un  catamaran est plus sécurisant que sur un monocoque, nous ne ressentons pas la houle de la même façon, le bateau ne gîte pas.

Maude a été attachée au début, parce qu’elle se baladait partout (à quatre pattes) et avait tendance à partir à l’avant sans crier gare. Elle détestait ça, et on assistait souvent à des cris et des pleurs.

Lorsqu’on était au mouillage, elle n’était pas attachée dans le cockpit, mais on avait un œil constant sur elle, ce qui était épuisant. Imaginez-vous un instant vivre dans votre cuisine donnant directement sur une piscine.  Eh bien vous n’avez pas le choix, tout en vacant à vos occupations, vous devez avoir les yeux rivés sur le bébé, au cas où il trébucherait et tomberait à l’eau… Bien sûr, il y a le gilet de sauvetage, mais Maude ne le supportait pas à cet âge-là. Il était probablement trop encombrant pour elle et la gênait dans ses mouvements encore incertains. Vers 18 mois, lorsque la marche était plus sure, elle a fini par l’accepter davantage. Aujourd’hui à deux ans, elle met son gilet de sauvetage lorsqu’elle part à l’avant du bateau. Bien sur, nous continuons à la veiller sans arrêt, mais avec l’expérience, elle a appris où se trouvent les dangers, et ses déplacements sur le catamaran sont plus faciles à gérer. Pendant les navigations, Maude n’a pas son gilet, mais elle a l’obligation de ne pas sortir du cockpit. Curieusement, c’est lorsque le bateau navigue qu’elle est le plus facile à gérer. Avec le mouvement du bateau, elle ne cherche pas à sortir du cockpit.  

 

A l’intérieur du bateau, c’est aussi toute une organisation. Certains endroits ont été sécurisés comme les escaliers, sa couchette, le four, mais il faut savoir que sur un bateau, on entasse beaucoup de choses dans un endroit très étriqué et il est difficile de pouvoir tout cacher. Quand Maude ne marchait pas, elle passait beaucoup de son temps à découvrir ce qu’il y avait sur les étagères du carré. Alors elle déballait tout ce qui était à sa portée. Je la retrouvais régulièrement entortillée dans des cordes, jouant avec les harnais de sécurité, les lampes, les tournevis, le fil à coudre et les aiguilles, les livres de navigation, la balise de secours (qu’elle finit d’ailleurs par casser), bref son plaisir était de tout sortir et de s’en amuser. Outre cet endroit, elle adorait grimper partout, et nous la retrouvions souvent sur la table à cartes en train de toucher à l’ordinateur et à la VHF,  sur le plan de travail de la cuisine en train de manipuler les boutons de la machine à café, au pied du tableau électrique en train d’allumer et d’éteindre les boutons. Et si vous aviez le malheur d’oublier de ranger certaines affaires sur  la table, Maude grimpait dessus et se chargeait de vous faire le ménage en deux trois mouvements. Bref vous l’avez compris, dans un bateau tout est accessible, et les jeunes explorateurs sont aux anges ! Alors pour la mère, c’est beaucoup de boulot de rangement et de surveillance !

 

Question couches, ce n’est pas un  gros problème dans les Antilles. Les distances entre les îles n’étant pas longues, on ne reste jamais longtemps sans s’arrêter, et l’on trouve toujours un endroit où les jeter. Par contre, la question se pose différemment pour les longues navigations. Pendant la traversée de l’Atlantique, Maude avait des couches lavables que je passais à la machine tous les deux jours. L’inconvénient, c’est qu’elles étaient moins absorbantes et lui tenaient très chaud. Au bout de quatre mois, je les ai abandonnées au profit des couches jetables. Je sais, c’est moins écolo, mais tellement plus pratique !

Pour ce qui est du lait pour bébé, on en trouve partout jusqu’à l’âge d’un an. C’est le lait de croissance (conseillé jusqu’à 3 ans) qui est plus rare. Comme Maude est assez difficile, j’ai préféré qu’elle en bénéficie  le plus longtemps possible, c’est pourquoi, avant de quitter la Martinique, j’ai prévu un an de stock de lait de croissance et de blédine chocolatée, soit une cinquantaine de kilos !

 

Avoir un bébé à bord est un bon passeport. Les gens nous accueillent à bras ouverts, nous aident, et rentrent plus facilement en communication avec nous. Ils sont très souvent attendris et dans beaucoup de situations cela nous a aidés.

 

Aujourd’hui, à 27 mois, Maude a passé plus de temps sur un bateau qu’à terre. Etre sur l’eau, c’est sa vie. Cette façon de vivre a développé en elle des facultés motrices incroyables. Très tôt, elle savait grimper, escalader, se suspendre et gérer son équilibre. Le fait de rencontrer beaucoup de personnes différentes, de changer de lieux régulièrement, lui a permis de se sentir à l’aise rapidement avec les autres, d’avoir des capacités d’adaptation étonnantes et de développer son sens de l’orientation.

La vie au grand air sous un climat plutôt agréable (bien qu’un peu chaud l’été), les baignades quotidiennes et  les rencontres fréquentes, participent à son épanouissement.

 

Alors que disent les parents de cette expérience ?

Que vivre sur un bateau n’est pas un problème pour les jeunes enfants. C’est plutôt pour les parents que cela peut être déstabilisant au départ, car notre mode de fonctionnement, nos repères, ne sont plus ceux des terriens. Nous ne vivons plus dans le même monde, alors c’est à nous à nous adapter et à repenser notre comportement, nos habitudes, notre environnement. C'est vrai que ce n’est pas inné, il faut un peu de temps pour trouver ses marques, mais une fois que tout est bien organisé, nous pouvons réussir à trouver une harmonie qui en vaut la peine.

Oui, sur un bateau il y a des dangers et des contraintes (qui s’amenuisent d’ailleurs avec le temps), c’est aussi beaucoup de travail, mais au bout du compte, nous retirons de cette expérience une grande richesse et de belles leçons de vie.

 

Maude est attachée lorsqu'elle sort du cockpit.

 


Maude grimpe dans le carré et se retrouve au milieu des pommes.

 

Toujours perchée, elle emmène ses jouets dans ses coins favoris.

 

Encore en train d'escalader, Maude veut monter dans l'annexe.

 

 

Durant les navigations où il y a peu de vent, nous installons la petite piscine pour que Maude ne souffre pas de la chaleur.

 

Maude, dans sa couchette, sécurisée par un filet.