Carnet de voyage

21/03/2012 22:44

Le canal de Panama

Pour préparer notre passage sur le canal de Panama, nous sommes obligés de régler des problèmes administratifs, qui nous sont décrits comme compliqués et laborieux. Nous devons prendre rendez-vous pour faire mesurer notre bateau, trouver quelqu’un pour nous louer des amarres avec une longueur et un diamètre bien précis, acheter des pneus qui serviront à protéger le bateau, trouver des équipiers car nous sommes dans l’obligation d’être 5 adultes pour manœuvrer le bateau et les amarres dans les écluses, attendre que l’on nous donne une date de passage, et enfin payer un droit d’entrée de plus de 600 dollars pour passer le canal.

Pour éviter tous ces tracas administratifs dans une langue pas toujours bien maîtrisée, il existe des agents qui s’occupent de tout, moyennant 400 à 600 dollars, voire 1500 pour certains à très bonnes réputations.

Finalement, après maintes discussions entre bateaux amis, nous décidons de faire nos démarches nous-mêmes et d’économiser le prix d’un agent. L’avenir nous donnera raison, car la tâche s’avère bien moins compliquée que prévue. Toutes les personnes à qui nous avons affaire parlent l’anglais, ce qui nous facilite bien la vie ! Quelle mafia autour de ces agents ! On raconte volontairement aux navigateurs que les démarches administratives concernant le passage du canal de Panama sont laborieuses, difficiles, embêtantes, les faisant courir dans tous les sens à la recherche du bon bureau, de la bonne personne, tout ceci pour qu’ils prennent un agent ! Certains navigateurs sont même prêts à payer 5 fois le prix d’un agent pour être certains d’être bien servis et d’éviter une longue attente…

Eh bien nous, comme tous nos bateaux copains, sans agent, nous passons à la date souhaitée sans encombre…  Bienvenus dans le monde mafieux du Panama !!!

 

Ça y est, c’est le jour j. Nous sommes prêts pour l’aventure sur le canal, une expérience ô combien symbolique, puisque nous allons changer d’océan ! Nous allons partir de Colon pour arriver 80 km plus loin, côté Pacifique.

Nous venons de récupérer mes parents il y a deux jours, et nous sommes donc quatre adultes sur le bateau. Pour être dans les règles avec la législation du canal, nous devons être cinq, (le capitaine et 4 équipiers), c’est pourquoi nous venons de trouver un Français volontaire, pour servir d’équipier sur Céramaje. Nous allons passer en même temps qu’un monocoque suédois, ce qui signifie que nous serons attachés ensemble dans les écluses. Les Suédois s’occuperont de gérer les amarres d’un côté, et nous de l’autre.

Il est midi et notre équipier ne doit pas tarder à venir nous rejoindre. Les amarres sont à leur poste, les quatorze pneus sont fixés sur les coques, le repas est prêt et l’apéro attend notre dernier convive. Mais au bout d’une demi-heure, notre équipier n’est toujours pas là. JF regarde son téléphone portable et découvre un message : « Je ne peux pas venir. Bonne chance ! »

Ce n’est pas vrai, à une heure du rendez-vous, voilà qu’un Français nous plante ! La pression monte sur Céramaje. Nous, qui préparons notre passage depuis plusieurs semaines… Comment trouver un nouvel équipier à cette heure-ci ? JF appelle les autorités du canal et explique notre problème. Finalement, après quelques échanges, ils nous donnent l’autorisation de nous présenter avec un équipier de moins à bord.

Il est 14 heures et nous partons au lieu de rendez-vous pour récupérer un pilote qui va rester avec nous tout au long de la traversée. C’est lui qui va nous servir de guide et nous donner les instructions dans les écluses.

Lorsque celui-ci arrive sur notre bateau et découvre qu’il manque un équipier, il ne veut pas nous laisser partir. Il nous explique que si le bateau des Suédois a des soucis, nous devons impérativement être autonomes et être capables de pouvoir gérer les 4 amarres. Il nous rappelle que les manœuvres peuvent être délicates dans les écluses avec de forts courants ou des remous provoqués par les cargos. Après plusieurs coups de fils avec les autorités du canal, il prend la décision de nous faire partir que si nous trouvons rapidement un équipier.  Bien évidemment, nous n’avons personne dans notre entourage qui pourrait nous aider. Il finit tout de même par trouver un Panaméen disponible que nous devons rémunérer 80 dollars. Le temps qu’il arrive sur notre bateau, nous avons déjà pris deux heures de retard. Les Suédois sont partis depuis longtemps, c’est donc seuls que nous allons passer les écluses.

Lorsque nous arrivons devant la première écluse, il fait déjà nuit. Le pilote nous demande de nous mettre en attente et de cette façon, nous laissons passer des cargos. Plusieurs heures s’écoulent ainsi à faire des ronds dans l’eau, et nous avons une pensée pour ceux qui voulaient nous voir en direct sur les webcams des écluses de Gatún. En France, il est déjà très tard et nous n’avons plus internet pour prévenir de ce qui se passe. Finalement, c’est avec cinq heures de retard que nous rentrons dans la première écluse. Le pilote nous annonce que nous allons pouvoir nous accrocher à un remorqueur et que nous n’aurons pas à gérer les amarres. Dans un sens, c’est une bonne nouvelle, car nous ne prenons pas de risque, mais en même temps nous sommes un peu déçus, nous, qui nous étions entraînés aux manœuvres et qui avions envie d’un peu d’action…

Comme prévue, la manœuvre se passe très bien, nous nous attachons à un  bateau qui prend tout à sa charge. Pendant la montée des eaux, c’est son équipage qui vérifie à lâcher le mou nécessaire des amarres pour que l’embarcation ne soit pas déstabilisée. Devant nous, se trouve un cargo, et nous nous sentons tout-petits à côté de lui ! Pour l’aider à rester dans l’axe du canal, il est assisté par de grosses locomotives de halage auxquelles il est relié par de solides câbles. Les locomotives travaillent par paires de chaque côté du canal et se déplacent sur des rails situés le long des écluses. C’est une sacrée organisation.

Le passage des trois écluses pour monter 26 mètres plus haut jusqu’au lac artificiel de Gatún, dure pour nous une heure trente. A chaque nouveau sas, nous nous attachons au remorqueur, puis nous détachons pour nous rattacher à la prochaine écluse. Une fois arrivés au lac, nous continuons notre navigation pendant 6 heures au milieu de la forêt tropicale. Notre navigation de nuit ne nous permet pas d’apercevoir la faune sauvage. Nous entendons seulement le cri de quelques singes dans la jungle.

Alors que notre pilote s’est assoupi à l’avant du bateau, JF  se rend compte que nous ne sommes probablement pas dans la bonne direction. En effet, nous nous rapprochons sérieusement d’un monticule rocheux. Pourtant, il semblerait que JF ait bien suivi les indications que le pilote lui a données. Alors que se passe-t-il ? Pour en avoir le cœur net, JF réveille le pilote. Quand ce dernier s’aperçoit que nous sommes complètement sortis du chenal, il crie à JF de faire vite marche-arrière. JF n’est pas très content. Un pilote qui donne de mauvaises instructions et qui s’endort, ce n’est pas très professionnel…

Quelque temps plus tard, à deux heures du matin, nous mouillons à quelques kilomètres des trois dernières écluses. C’est ici que nous passons la nuit et attendons qu’un autre pilote prenne la relève en fin de matinée.

A onze heures du matin, alors que nous sommes en train de discuter en attendant la venue de notre nouveau pilote, nous sommes surpris par une explosion. C’est une conduite de dragage qui vient de céder. Des tonnes d’eau jaillissent tout près de notre bateau. C’est une chance que l’eau ne nous tombe pas dessus. Très vite, une équipe déjà sur place prend en charge la réparation et en quelques minutes la fuite est maîtrisée.

Vers midi, alors que notre pilote vient d’arriver, nous partons en direction des écluses de Miraflorès.  Là encore, nous apprenons que nous allons pouvoir nous attacher à un bateau de tourisme et que nous n’aurons pas besoin de manœuvrer les amarres pendant la descente des eaux.

A 16 heures, nous mettons l’ancre au pied de la capitale, face à un quartier calme de Panama City. Nous venons de mettre un peu plus de 24 heures pour passer de la mer des Caraïbes à l’océan Pacifique. Nous apprenons que le bateau suédois avec lequel nous aurions dû passer ne s’est pas arrêté en route, et est arrivé à 4 heures du matin. Dans un sens, nous sommes plutôt satisfaits d’être partis en retard, cela nous aura permis de faire une partie de la navigation de jour et de  profiter du paysage. Quant à notre obligation d’avoir une cinquième personne à bord, elle était franchement inutile, surtout lorsque nous savons qu’un voilier seul a presque toujours l’occasion de s’attacher à un autre bateau…

 

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