Carnet de voyage

02/03/2012 05:41

une nuit rocambolesque

Nous nous rendons à Colon pour effectuer toutes les démarches administratives avant le passage du canal de Panama. Ce n’est pas une escale très agréable, car les mouillages sont réputés peu abrités du vent et de la houle. De plus, l’eau est sale, et nous ne pouvons ni nous baigner lorsque le soleil tape fort, ni faire marcher notre dessalinisateur. Alors, l’eau à bord devient encore plus précieuse… 

Nous venons de mettre notre ancre à côté de la marina Shelterbay. Il y a du courant, de la houle, du vent, et le mouillage est très inconfortable. Notre bateau fait des 180° autour de la chaîne de l’ancre et les vagues font sans cesse osciller Céramaje. Raphaël n’arrive pas à travailler dans ces conditions et moi je n’ai même pas envie de cuisiner. On est tous un peu patraques, et on n’a qu’une envie c’est d’aller à terre. JF n’est pas là, il est parti à la marina avec Daniel de Wakamé. Au bout de quelques heures passées ainsi, je décide d’emmener les enfants à terre. Vu l’état de la mer, je préfèrerais partir avec une VHF portable et informer Wakamé de notre arrivée à la Marina. Mais voilà, notre VHF est hors d’usage, elle a la batterie à plat. Tant pis, je me lance quand même, car dans ce bateau, nous devenons fous, nous sommes comme des lions en cage ! Avec cette mer houleuse, je prie pour que le moteur de l’annexe ne nous fasse pas défaut et prends mes palmes et celles de Raphaël, au cas où… Quant à Maude, elle a son gilet de sauvetage sur elle…

Nous voilà partis tous les trois. L’annexe remonte petit à petit le fort courant et nous nous faisons chahuter par les vagues que nous prenons de face. Heureusement, je connais ce chemin que j’ai déjà pris avec JF et je sais où se trouvent les cayes à éviter. Notre annexe, au milieu de ces vagues, paraît toute petite, et j’espère vraiment que le moteur ne va pas avoir un problème, comme cela a déjà été le cas il y a quelques jours. Mais celui-ci se comporte bien et nous arrivons à la marina comme prévu, certes trempés jusqu’aux os, mais tellement contents de mettre un pied à terre !

 

Pendant la nuit, nous sommes réveillés par notre alarme de mouillage qui nous indique que l’on est en train de déraper. Effectivement le vent a forci et l’ancre ne tient plus. JF décide de mettre davantage de chaîne, mais il n’y a rien à faire, nous n’accrochons pas. Nous remontons l’ancre et essayons de mouiller un peu plus loin. Mais là encore, le bateau dérape et nous emmène droit sur les cayes. Nous retentons le mouillage une nouvelle fois, mais voilà que maintenant la chaîne de l’ancre se coince et nous avons du mal à remonter l’ancre. JF me demande de prendre les commandes pendant qu’il jette un œil sur la chaîne à l’intérieur du bateau. Il y a des rafales à 35 nœuds de vent et j’ai du mal à maintenir Céramaje face au vent car celui-ci n’arrête pas de tourner. Soudain, je vois le sondeur ne m’indiquant plus que 3 mètres, puis 2, 1 mètre de fond ! Je hurle à JF qu’il n’y a plus qu’un  mètre sous la quille de Céramaje. JF me crie : Mets les moteurs à fond ! Je donne un grand coup d’accélérateur et j’aperçois aussitôt sur mon écran 5, 6, 7 mètres de fond. Ouf ! Nous l’avons échappé belle ! Le stress commence à monter sur Céramaje, car nous n’arrivons toujours pas à mouiller et le vent ne baisse pas. Une fois le bourrage de la chaîne enfin réglé, c’est moi qui suis encore chargée de mettre l’ancre. Mais dans la nuit, je ne vois plus les repères. Je ne sais pas si je mets 30, 35 ou 40 mètres de chaîne. JF s’énerve, et comme un fait exprès, la chaîne se bloque à nouveau. JF revient à l’intérieur du bateau pour la débloquer et je suis à nouveau à la barre. A côté de nous,  j’aperçois de la lumière sur Wakamé. Daniel doit nous regarder et se demande sûrement ce qui se passe... Entre temps, le sac de nœuds est démêlé et nous recommençons pour la énième fois la manœuvre. Finalement, après une heure et demie de bataille, Céramaje finit par se stabiliser et ne dérape plus. Cela aurait pu se terminer ainsi,  eh bien non, voilà maintenant que nous nous rendons compte que  nous avons mouillé trop près de Wakamé et que nous risquons de lui rentrer dedans. Allez c’est reparti, nous remontons l’ancre et nous recommençons les mêmes manœuvres avec toujours les mêmes problèmes, la chaîne qui se bloque, les repères que l’on ne voit plus, les rafales de vent à 35 nœuds et l’ancre qui ne cesse de déraper. Bref le cauchemar continue. A moment donné, JF et moi sommes tous les deux à l’intérieur du bateau en train de regarder les problèmes de la  chaîne. JF me crie de ne pas rester là et d’aller à la barre surveiller le bateau. Lorsque j’arrive dans le cockpit et que je regarde devant moi, c’est l’horreur, nous nous dirigeons droit sur Wakamé à toute vitesse. Je suis pétrifiée et j’appelle JF qui tarde à venir pensant probablement que mes cris alarmants sont exagérés… Finalement nous frôlons Wakamé et lui coupons la route à quelques mètres devant lui ! Nous avons eu chaud, vraiment chaud ! Là-dessus, JF ne me fait plus confiance et décide de s’occuper de la chaîne tout seul. Petit détail, il me demande tout de même de maintenir Céramaje face au vent… C’est reparti pour trois quarts d’heure de plus à essayer de nous dépêtrer de ce mouillage. Le soleil commence à faire son apparition et nous sommes toujours là en train de nous battre  pour arriver à accrocher. JF finit par regarder de plus près la carte des fonds et décide de partir un peu plus loin jeter l’ancre. C’est la bonne solution, après plus de deux heures de bataille incessante, Céramaje s’immobilise enfin… 

Nous attendrons quelques heures pour le débriefing, car à chaud, c’est l’énervement qui l’emporte !

Après une heure de sommeil léger, à l’affût de chaque bruit, nous décidons de nous mettre à la Marina de Shelterbay. Nous en avons par-dessus la tête de ce mouillage !

Là-bas, nous retrouvons Daniel, qui nous raconte qu’il a assisté, impuissant, à notre mésaventure et qu’il a bien cru qu’on allait lui foncer dessus !

Nous avons des leçons à tirer de notre nuit cauchemardesque : la chaîne de l’ancre est trop usée d’un côté et les repères ne sont pas assez visibles de nuit. De plus, il est inutile de s’entêter à mouiller toujours dans la même zone, il est préférable de tester un nouvel endroit susceptible de mieux accrocher…

Pour ce qui est de la chaîne, nous profitons d’être à la marina pour la retirer et la mettre dans l’autre sens, le côté usé en fin de chaîne. JF achète également un pot de peinture blanche et trace de gros repères sur les maillons tous les 10 mètres et de plus petits tous les 5 mètres. Avec ceci, nous devrions être mieux parés dans la même situation ! Nous n’enlèverons pas le problème des bourrages de chaîne, Céramaje étant conçu ainsi, nous sommes obligés de pénétrer à l’intérieur du bateau pour démêler les sacs de nœuds et pendant ce temps nous ne voyons pas ce que nous faisons dehors !!!

 

 

10/03/2012 01:07

Colon: les préparatifs avant la grande traversée

Nous ne gardons pas un bon souvenir de Colon. Les mouillages sont rouleurs, l’eau est sale, l’approvisionnement du bateau n’est pas pratique, certains quartiers de la ville sont dangereux, bref rien de très attrayant… Pourtant, nous devons y passer du temps pour préparer le passage du canal de Panama et la traversée du Pacifique.

Comme charger les courses est plus facile depuis un ponton que depuis une annexe, nous profitons des quelques jours à la marina de Shelterbay pour refaire l’approvisionnement du bateau. Le Panama est la dernière escale avant la Polynésie où nous pouvons faire de grosses courses. Quand nous aurons passé le canal de Panama, nous nous dirigerons vers les îles des Perlas, puis des Galápagos. De là, nous pourrons faire à nouveau quelques courses de produits frais, juste avant la traversée du Pacifique qui devrait durer environ trois semaines. Entre le moment où nous quitterons le Panama, et le moment où nous arriverons en Polynésie, il se sera écoulé environ deux mois, c’est pourquoi nous prévoyons un approvisionnement pour 10 semaines. Sachant que nous serons bientôt six personnes à bord, puisque mes parents viennent avec nous jusqu’aux Marquises, il est important de bien calculer ce dont nous avons besoin, pour ne pas mourir de faim…

Pour cela, avec Catherine de Wakamé, nous partons en bus dans un gros supermarché de Colon. Pour le retour, nous serons tellement chargées que nous prévoyons d’utiliser la camionnette du magasin qui peut nous livrer à la marina à  partir de 500 dollars d’achats.

Et c’est parti pour trois heures de courses non stop. Nous remplissons plus de trois caddies chacune. Au menu, plus de 40 kg de farine (je rappelle que je fais le pain moi-même), 25 kg de pâtes, 12 kilos de riz, 25 kg de lait en poudre, sans compter celui de Maude… et tout le reste, boîtes de conserves, boissons, gâteaux etc.  La ligne de flottaison de Céramaje a bien baissé, il n’y a plus un cm2 de libre dans les coffres du bateau ! Avec deux personnes de plus à bord, il faut réorganiser le rangement du bateau pour optimiser la place et parfois cela devient un véritable casse-tête ! A cela, s’ajoute le tri des pâtes et du riz qu’il faut mettre en bouteille pour éviter la propagation des charançons. Eh oui, ici, nous trouvons régulièrement des charançons dans l’alimentation, et si nous ne voulons pas une invasion au bout de deux mois, nous devons les retirer des paquets. Après avoir essayé plusieurs techniques, j’en viens à précuire les pâtes trois minutes au four pour tuer charançons et larves. J’espère qu’avec ceci nous n’aurons plus de mauvaises surprises comme cela a déjà été le cas avec une invasion de charançons sur le bateau il y a quelques mois… La farine doit être aussi mise en boîte pour éviter la prolifération des mites… En France, l’invasion de ces petites bêtes est peu fréquente, mais depuis que nous sommes partis de Martinique, j’ai pris l’habitude de tout stocker dans des bouteilles ou des tupperwares, tellement le problème est récurrent !

De plus, pour pouvoir manger quelques légumes et de la viande en plein milieu de l’océan Pacifique, je me lance dans la préparation de petits plats que je mets au congélateur : poulet au curry, poulet à la noix de coco, poulet aux carottes, bœufs, brocolis, aubergines, choux fleur etc. Nous apprécierons sûrement de pouvoir consommer de temps en temps autre chose que du riz, des pâtes ou des boîtes de conserve !

Pendant ce temps, JF passe du temps à faire les shipchandlers à la recherche de matériel de bateau. Il faut savoir que lorsque nous serons en Polynésie, nous ne trouverons plus grand-chose pour les réparations éventuelles de Céramaje, alors mieux vaut prévoir des pièces de rechange avant de partir. Malheureusement au Panama, les magasins sont très mal achalandés pour la plaisance, c’est pourquoi JF finit par commander du matériel aux Etats-Unis, qui devrait arriver dans une semaine si tout va bien. Il s’occupe aussi de faire le plein de gasoil, et prend des bidons supplémentaires au cas où nous n’aurions pas de vent pour aller aux Galápagos. Nous prévoyons de partir avec 500 litres de gasoil.  Il ne faut pas oublier également le plein de gaz car si nous tombons en panne en plein milieu de l’océan Pacifique, non seulement nous mangerons froid, mais nous serons condamnés à déguster les pâtes et le riz crus !

Pendant que JF et moi sommes à fond dans les préparatifs, Raphaël et Maude profitent de la piscine de la marina en compagnie des enfants de Wakamé.  Entre les mouillages inconfortables et notre emploi du temps bien chargé depuis ces derniers temps, Raphaël n’a pas eu classe depuis trois semaines. La reprise va être dure…

 

 

15/03/2012 05:15

Rio Chagres

Une fois les courses terminées, nous quittons la marina de Colon et partons naviguer quelques jours sur le Rio Chagres. Le mouillage sur le fleuve est magique. D’abord parce que  le site est magnifique, ensuite parce que nous naviguons sur une rivière et enfin parce que nous sommes seuls. Céramaje est l’unique bateau à mouiller sur ce fleuve, encerclé par la forêt tropicale. Depuis notre cockpit, nous pouvons entendre le chant des nombreux oiseaux et les cris des singes. Au loin, pas un signe de la vie moderne, il n’y a que des arbres à perte de vue.

Non loin de là, situé sur un promontoire rocheux et envahi par la végétation, le fort Lorenzo (construit à la même époque que celui de Portobelo) domine l’embouchure du Rio Chagres. La beauté du site, son calme et la vue imprenable sur le fleuve, sont remarquables. Apercevoir Céramaje, au loin, dans un décor sauvage, juste à côté de la jungle, nous émerveille. Pour embaumer ce site déjà majestueux, nous sommes accompagnés par le chant des perroquets bavards, le bruit des rapaces volant au-dessus de nos têtes et le cri des singes qui résonne à travers la jungle.

Sur notre chemin, nous avons la chance d’apercevoir plusieurs fois des singes se reposant dans les arbres, pour le plus grand bonheur des enfants.

 

  • Cliquez sur le lien pour voir les photos

 

 

18/03/2012 02:03

Quelle poisse ! Notre départ va être retardé

Avant de faire la grande traversée du Pacifique, JF prend la décision de recoudre lui-même une partie de la grand-voile qui commence à être usée à certains endroits. Pour cela, nous quittons l’eau sale de Colon pendant le week-end, pour pouvoir faire baigner les enfants sur une petite île non loin de là, car sous cette chaleur, cela devient compliqué de les occuper sur le bateau.

Une fois la couture terminée, JF s’apprête à remettre la latte qu’il a enlevée, et là, il découvre l’invraisemblable. Elle n’est plus sur le bateau ! Mais comment a-t-elle pu disparaître de la sorte ? Nous accusons bien-sûr les enfants qui auraient pu jouer avec, la déplacer, et avec le vent, elle serait tombée à l’eau… Nous n’en serons rien, mais une chose est sûre, c’est qu’il faut essayer de la retrouver. JF et moi plongeons sous le bateau pour essayer de la localiser. Mais la vase empêche toute visibilité. Nous raclons le fond avec un bâton, sans succès… Nous en venons à la triste conclusion que nous ne la retrouverons pas.   Il fallait bien que cela nous arrive ici, dans un pays où on ne trouve pas de matériel pour la plaisance. Nous, qui étions prêts à partir pour Les Perlas et Les Galápagos… Où trouver maintenant une latte de cette dimension, de ce diamètre ?

Espérons que les Etats-Unis nous sauvent et puissent nous procurer ce qu’il nous faut. En attendant, ce n’est pas encore que nous quittons le Panama…